” J’ai fait quelque chose de nouveau pour la première fois depuis longtemps et j’ai adoré ça. J’ai suivi un cours de coréen.
Pour tout vous dire, depuis quelque temps, j’essaie de reprendre contact avec ce qui me fait plaisir. « Bah, c’est facile de savoir ce qui nous fait plaisir ! », me direz-vous. Eh bien, pas pour moi. Pour moi, le plaisir, savoir ce dont j’ai envie, définir mes besoins et mes limites, sont des notions presque extraterrestres. Des notions que j’essaie d’apprivoiser avec l’aide, ô combien précieuse, de Charlotte-ma-psy.
Ça va bientôt faire 3 ans que je suis en thérapie et dieu seul sait que ça peut être chaotique, laborieux, libérateur aussi, parfois jouissif, mais souvent douloureux. Quoi qu’il en soit, je suis du genre à me jeter à corps perdu dans la plupart des choses que j’entreprends. C’est donc, sans grande surprise, ce que j’ai fait avec mes séances de psy.

Et là, vous allez me dire : « mais quel est le rapport avec le coréen ? ». Je sais, j’y viens. Un peu de patience. C’est le voyage qui compte, pas la destination, pas vrai ?
Si vous reliez bien les points, vous vous rendriez compte que j’ai débuté ma thérapie à peu près au moment du Covid. Et comme je vous l’ai dit, j’ai tendance à ne pas faire les choses à moitié, ou plutôt à aller au bout du bout de ce que je commence. J’ai donc vu Charlotte-ma-psy toutes les semaines durant le second confinement. Confinement qui a duré, dans mon cas, environ 7 mois. Ma profession étant considérée comme non-essentielle (je suis coach sportive).
Confinée, en pleine reconstruction et en possession de beaucoup de temps libre, je me suis, sans trop réfléchir, mise à faire des choses que j’avais toujours rêvées de faire. C’est ainsi que je suis devenue prof de yoga, que je me suis acheté ma première longboard (et que je me suis accessoirement prise la plus grosse gamelle jamais référencée) et que j’ai débuté le coréen.

Oui, tout ça… J’aime apprendre et j’ai toujours été studieuse. J’étais de ces élèves appliquées mais introverties, qui n’osent jamais participer. Une intello silencieuse et réservée.
C’est cette élève en moi qui s’est jetée avec frénésie dans un ballet endiablé de nouvelles disciplines qu’elle n’avait jamais eu le temps, l’assurance ou le courage de débuter.
Alors, au milieu de cet arrêt sur image mondial, je me suis, en quelque sorte, remise à vivre. Mais à vivre vraiment. En étant pleinement moi. Pas la version extravertie, débordante d’énergie et de confiance en elle que je pensais devoir incarner au travail. Une version qui aspirait la moindre goutte d’énergie de mon organisme, tel un vampire desséché après un millénaire d’hibernation. Non ! Absolument pas. Je suis doucement revenue à la vie et j’ai réappris à marcher seule, dans l’espace sécurisant de mon appartement, sans personne pour me juger. J’ai, pièce après pièce, ôté l’armure en acier trempé que je m’étais construite pour me protéger du monde extérieur, de son regard scrutateur, mais aussi et surtout de moi-même. Car en me tenant éloignée de mes envies et de mes aspirations, aussi futiles puissent-elles paraitre, je me suis surtout éloignée de qui j’étais vraiment, de la petite fille en moi qui avait des rêves par milliers.

C’est donc durant cette longue période de pause, que j’ai commencé à apprendre le coréen. « Mais pourquoi le coréen ? », me demanderez-vous encore. Eh bien, tout simplement parce que je me suis faite irrévocablement aspirée par le vortex des K-dramas. Je n’ai pourtant jamais été très attirée par les cultures asiatiques. Je ne suis pas de ces personnes qui collectionnent les mangas, je n’en ai même jamais lu. Je sais juste que ça se lit de droite à gauche. Enfin, de la fin vers le début. Bref, vous voyez ce que je veux dire- ou de ces gens qui regardent des animés en rêvant de devenir aussi badass que leur héros préféré. Pas du tout. Je ne m’y étais jamais intéressée et je le vivais parfaitement bien. Et puis, Netflix m’a fait découvrir ma série préférée de tous les temps : Start-up. Et depuis lors, rien n’a plus jamais été comme avant.
Je ne vous en ferai pas le pitch, ce serait beaucoup trop long, mais je peux vous avouer que je l’ai regardée 3 fois en 2 ans. Ou peut-être 4, je ne sais plus. Enfin, tout ça pour vous dire que cette série, m’a fait plonger la tête la première dans la culture coréenne. Il faut reconnaître que tout est incroyablement esthétique et étonnamment construit. On se sent proche des personnages et le dépaysement est garanti. Ce qui, en temps d’isolement, a été sacrément efficace Alors, ni une, ni deux, irritée de ne pas comprendre les lignes de dialogue de Han Ji-Pyeong, le meilleur personnage jamais écrit, je me suis armée d’un cahier, de mes plus beaux stylos, d’un livre d’apprentissage du coréen, ainsi que de la farouche intention de devenir bilingue.
Cette intention n’a pas duré bien longtemps, car au bout d’un moment, la vie « réelle » a repris son cours. La salle où je travaille a rouvert ses portes à un rythme plus soutenu que jamais. Il a fallu reprendre ses marques et pour moi réapprendre à marcher hors de mon cocon sécurisant, au sein duquel je me suis transformée pendant 7 mois. Hors, renaître à 7 mois, c’est être prématurée. Alors, en revenant au monde, je me suis faite engloutir par sa violence, sa cadence effrénée et sa quête de performance perpétuelle. Toutes ces choses dont je m’accommodais avant. Toutes ces choses auxquelles je m’adaptais au péril de ma santé ; mentale principalement, et probablement physique à terme.

Sans mon armure en acier trempé, nue et sans repère, je me suis écroulée. Littéralement. Burn out. Vide abyssal. Larmes intarissables.
C’est de cette manière que j’ai pu rattraper les deux mois de gestation dont j’avais tant besoin pour terminer ma renaissance. Deux mois durant lesquels j’ai eu à la fois l’impression de me perdre et de me retrouver. Deux mois d’inconfort total, d’angoisse infinie, de remise en question permanente, de solitude profonde (moi qui ne m’étais jamais sentie seule une seule seconde lorsque j’étais confinée). Deux mois durant lesquels je me suis moi-même ramassée à la petite cuillère jour après jour, car personne ne pouvait le faire à ma place. Deux mois où je ne me suis jamais sentie aussi faible, mais desquels je suis ressortie bien plus forte.
Enfin, pas immédiatement. Après ces derniers moments d’arrêt, j’ai progressivement, doucement et avec grande précaution, remis un pied dans ce qui avait autrefois été ma vie. Et j’ai compris. J’ai compris que je ne pouvais plus faire comme avant. Que, si j’avais changé, il fallait que mon quotidien change avec moi et que j’intègre ma vie «confinée » à ma vie « réelle ». C’est ainsi que j’ai commencé avec ce que je connaissais. Je me suis remise à nager, surfer, écrire. Le coréen est arrivé un peu plus tard, car je ne voulais plus apprendre seule. J’avais besoin d’être accompagnée.
Alors, cet été, entre deux vagues de chaleur et encouragée par mon beau-frère Michel – qui lui, apprend le Hollandais, ne me demandez pas pourquoi – j’ai cherché des cours sur Internet et je suis tombée sur l’université du soir de Nantes. Sans y réfléchir à deux fois, je me suis inscrite.
C’est comme ça qu’hier soir, croyez-le ou non, un an jour pour jour après la fin de mon burn out, je me suis retrouvée propulsée 10 ans en arrière. Car oui, j’ai moi aussi usé les sièges des salles de classe d’une fac de langues. C’était dans une autre vie. Une vie qui m’a amenée à consulter Charlotte-ma-psy. Une vie que j’aurais aimé vivre bien différemment. Une vie dont les émotions, trop longtemps refoulées, m’ont menée à un burn out. Une vie étudiante bien loin de l’image romancée et insouciante que l’on s’en fait. Une vie dont le fantôme me hantait encore il n’y a pas si longtemps.
C’est donc hier soir, le mardi 4 octobre, qu’en foulant le lino fatigué des couloirs de la fac et entourée d’étudiants de 10 ans mes cadets, j’ai récupéré une petite partie de moi que je n’avais même pas conscience d’avoir perdue en chemin. J’ai reconnecté mes désirs à ma réalité et pris ma revanche sur mes années de fac angoissées, pour continuer à renaître encore et toujours.
J’ai enfin commencé à me retrouver, et il en sera ainsi tous les mardis et tous les autres jours du reste de ma vie. “