Les rues sont agitées à Strasbourg Saint-Denis. Nous sommes en octobre, il fait frais. Je me dirige vers l’Hôtel Grand Amour où Bianca m’attend dans la salle du fond. Entourée de ses managers, ses yeux brillent. Cet après-midi là, elle enchaîne les interviews : “C’est grosse journée promo aujourd’hui”, me dit-elle tout sourire.
Longs cheveux châtains, gros sweat à capuche noir, thé fumant face à elle, l’ambiance est chaleureuse. Le serveur lui amène un fondant au chocolat : “Ah, merci beaucoup”.
Je m’installe face à elle, dans un décor bleu à la lumière chaude. Bianca a 21 ans, et cela fait maintenant trois semaines que son premier EP Florianopolis est sorti, du nom de la ville qui l’a vu grandir, au Brésil. Sans aucun accent, elle m’explique : “Je suis née au Brésil, j’y suis restée jusqu’à mes 5 ans et après le divorce de mes parents je suis venue à Porto avec ma mère. Nous y sommes restées cinq ans, puis nous avons déménagé à Paris”. C’est au Brésil, bercée par les accords de guitare de son grand-père, que Bianca se passionne pour la musique : “Mes grands-parents sont très religieux et la musique fait partie intégrante de leur croyance”, explique-t-elle.
Le Baile Funk c’est un peu comme le rap en France, ça vient de la rue.
A 18 ans, alors qu’elle passe son bac, elle est repérée par son producteur actuel, Julio Masidi : “À l’époque je mettais des petites vidéos à l’arrache sur Youtube et Instagram, puis il est tombé dessus et a voulu me rencontrer. Ça a été un coup de cœur artistique”, détaille Bianca. Julio Masidi, également producteur d’Aya Nakamura, laisse à Bianca la liberté de chanter en portugais dans un univers musical qui lui est propre.

En France, la musique brésilienne est souvent représentée par les rois de la bossa nova, João Gilberto, Gilberto Gil ou encore Caetano Veloso qui sont des inspirations pour notre jeune brésilienne : “J’adore les grands noms de la bossa, mais j’écoute aussi des artistes plus récents comme Anitta par exemple. J’écoute aussi beaucoup de Baile Funk. À la base, le Baile Funk c’est un peu comme le rap en France, ça vient de la rue. C’était assez mal vu avant, mais maintenant c’est un style plus populaire, tout le monde se met à faire de la funk”, explique-t-elle. Bianca grandit en écoutant les disques de sa mère : “elle m’a eu très jeune, à 16 ans, j’ai toujours été très proche d’elle sur plein de points. Elle écoutait beaucoup de funk justement et les rythmiques “tchou tcha tcha tchou tchou tcha” résonnaient souvent chez moi”, ajoute-t-elle. Les styles musicaux plus populaires ont également forgé le style de Bianca : forro, sertanejo, samba… “En fait tout m’inspire au Brésil, c’est dommage de s’arrêter à un style, j’ai besoin de tout exploiter. Mais je dirais que j’ai une grosse attache à la bossa, même dans ma façon de chanter : je traîne les mots, j’utilise les contre-temps… Souvent quand je veux chanter un truc plus pop on me dit “t’es pas dans les temps, arrête de traÎner””, dit-elle en riant. C’est son ADN.

Comme beaucoup d’expatriés, Bianca se demande parfois si elle aimerait retourner vivre au Brésil : “J’essaye d’y aller tous les deux ans”, elle me regarde en souriant (je suis moi aussi d’origine brésilienne) : “Tu connais, les oncles, les tantes, les cousins, la bouffe, j’y pense tout le temps ! Comme je commence à me lancer, c’est compliqué pour l’instant, mais dès je peux j’y vais, ça me manque trop”, raconte-t-elle nostalgique.
C’est moi. C’est ma musique. Je ne sais pas faire autre chose.

Bianca Costa est optimiste et motivée, elle veut rendre accessible la musique brésilienne à un public français : “Je me suis posée beaucoup de questions : Est-ce que ça va plaire ? Est-ce que je ne devrais pas entrer un peu plus dans le moule ? Mais je pars du principe que c’est moi. C’est ma musique. Je ne sais pas faire autre chose”, explique Bianca qui “pense que les jeunes français peuvent aimer cette culture là”. Elle ressent d’ailleurs un réel intérêt du public français pour sa musique : “Je ne sais pas si c’est parce qu’il y a un côté exotique, mais je pense que j’ai les cartouches pour rajeunir l’image de la musique brésilienne”, dit-elle d’une voix humble et réservée.
Des artistes comme Angèle, Chilla, Shay ouvrent des portes à des artistes comme moi
Dans ce premier EP, Bianca veut raconter son histoire, ses expériences, ses allers-retours au Brésil : “Avoir plusieurs cultures, c’est quelque chose qui touche plein de gens”, dit-elle. Elle y parle aussi de sa famille, de sa relation avec son père, avec sa mère : “Elle m’a élevée toute seule. Elle est loin du monde de la musique, elle est responsable d’une pâtisserie et elle me maquille pour mes clips”, explique Bianca, fière. Elle y parle aussi d’amour dans “Loca” : “Je me livre sur le côté “fin de relation”, sur comment s’en sortir, sur l’attache, sur les peines amoureuses”, elle ajoute : “Dans Cabeza aussi je parle d’amour, mais c’est toujours des récits où je me positionne comme une femme forte et indépendante, qui se cherche, qui se trouve. Je veux transmettre la force féminine qui est en moi”.
Quand on aborde le sujet de la place de la femme dans le monde de la musique aujourd’hui, elle nous répond : “Je pense que j’arrive au bon moment. On commence à être de plus en plus attentifs aux besoins et aux envies des artistes féminines. Des artistes comme Angèle, Chilla, Shay ouvrent des portes à des artistes comme moi, et moi peut-être que j’ouvrirais des portes à d’autres !”, se réjouit-elle. Bianca se sent à sa place, et cela l’encourage et lui fait du bien : “Bon, par contre tu dois toujours te battre car aujourd’hui encore je reçois des messages sur Instagram du genre “retourne à la cuisine” dès que je poste une vidéo où je rappe, c’est dingue”, dit-elle.

Que ce soit pour parler de féminisme, d’amour ou de voyages, elle tient à chanter ses chansons en français et en portugais : “Généralement je commence par écrire en portugais, je n’y arrive pas trop en français, c’est un réel travail pour moi, mais ce n’est pas une contrainte car j’ai envie d’être comprise en France. J’ai des choses à dire ici”, explique-t-elle. C’est les auteurs avec qui elle a collaboré sur ce premier EP – Ben Mazué, Maska – qui l’ont aidés pour les traductions : “En gros, je raconte mon histoire et on essaye de trouver des traductions ensemble. Chaque séance d’écriture est un peu comme une thérapie jusqu’à ce que l’on trouve les bons mots en français”, ajoute-t-elle.
Avec le temps, Bianca Costa compte bien se faire sa place. Si les concerts ne sont pas d’actualité, son planning reste chargé : “Je vais bientôt sortir des nouveaux singles, des collabs avec des artistes Français, mais aussi des artistes féminines Brésiliennes. Au Brésil c’est hyper commun de faire des featuring entre artistes féminines. En France moins.”, dit-elle. Finalement, la crise du covid lui a permis de peaufiner son projet jusqu’au bout, de le mettre dans un écrin et d’alimenter ses réseaux sociaux de reprises (on vous invite à écouter ses “Bossa-Trap” sur Youtube) en attendant la suite. Beleza.
