Les hauteurs de l’Atlas, Ouarzazate, puis la vallée du Draa, Agdz, Zagora, Tamegroute, le Sahara. On file et nos sens s’éveillent. La beauté des paysages, des palmeraies verdoyantes aux grandes plaines arides. L’odeur de la liberté, le goût des dates et le soleil qui tape. Foulard enroulé sur la tête, M’hamid n’est plus très loin. Dans les rues du village de moins de 10 000 habitants, les portes ont gardé leur couleur. Nos âmes se perdent dans les allées poussiéreuses où charme et authenticité s’invitent entre les vieilles pierres en pisé. Dans la rue principale, les enseignes sont repeintes à la main et les camions débordants de pastèques ou de foin slaloment entre les enfants qui jouent.
A l’entrée de la ville, une devanture arrête notre regard. Celle du tout premier bureau de Bivouac sous les étoiles. Nous y rencontrons Hassan, 33 ans. Enfant du village, il a créé ce lieu en 2005. L’homme bleu au foulard blanc vissé sur la tête a la voix d’un sage. Des lèvres charnues, une barbe de quelques jours et de longs cils noirs qui soulignent un regard noisette, profond. Hassan est ouvert, curieux et réaliste. Du genre sérieux qui ne manque pas d’humour.

Hassan connait les dunes et les étoiles
De M’hamid, la route continue. Ce soir, nous dormirons dans un “hôtel cinq mille étoiles”, annonce Hassan le sourire en coin. Jusqu’au bivouac, la nature a enfilé son manteau ocre. Celui des grandes occasions. A Chegaga, les tentes sont montées dans la tradition, qui veut une couche de tissu blanc à l’extérieure, noir au centre, et une colorée à l’intérieur. Elles sont placées en ronde, tout autour du feu qui éclaire la théière argentée. Nous sommes au beau milieu du désert. C’est envoutant, le désert. Cette sensation de vide que l’on vie pleinement. Une force tranquille s’exerce sur nous, magnétisante. Et comme un chant secret, on écoute le silence des dunes.
Hassan connait les dunes et les étoiles. Il grandit entre les percussions et les chants berbères. Né sous une tente, dans la palmeraie de M’hamid, Hassan a 13 ans quand il commence à « travailler dans le tourisme » : « à la sortie de l’école, je déposais le cartable à la maison et venais sur la place du village. A l’époque, il y avait deux hôtels, une auberge, beaucoup de 4L et de deux chevaux. » A l’entrée de M’hamid, Hassan propose aux touristes de les emmener arpenter la ville ou le désert. Il est de ceux que l’on appelle les «faux guides», dit-il. Quatrième sur cinq enfants, il le fait aussi pour aider son père militaire et blessé à l’œil.

19 ans et 5 000 dirhams en poche, il créé « Bivouac sous les étoiles »
À 18 ans, il part pour Casablanca, travailler dans une boutique de téléphonie mobile, c’est le marché en vogue au Maroc. Huit mois plus tôt, il n’était jamais aller plus loin que Ouarzazate. Hassan se débrouille bien : « Vendre je sais faire, j’ai ça dans le sang ». Son patron le met aux commandes d’une boutique à Marrakech, mais il réalise très vite que ce n’est pas pour lui. Sa région lui manque et mérite d’être mise en lumière : 19 ans et 5 000 dirhams en poche, il créé « Bivouac sous les étoiles ». Du tourisme sur mesure et écolo, sans le savoir : « J’ai toujours fait travailler les gens du village, on m’a expliqué que c’était du tourisme responsable, je ne savais pas ». Hassan ne laisse pas le linge au pressing, mais à une famille du village. Les petits pains sont faits par les femmes d’ici. Les jeunes sont sollicités pour animer les soirées au bivouac. Les chameliers sont locaux également. Toute une petite économie qu’il déploie.

A l’époque, “on ne venait pas jusqu’à M’hamid”. A la ceinture de la frontière algérienne, le premier touriste n’est arrivé que dans les années 70. Et ce ne s’est que depuis une vingtaine d’années que la destination se développe. Longtemps, les rares visiteurs ne passaient pas la nuit après Zagora. Jusqu’à ce que sortent du sable bivouacs, hôtels, maisons d’hôtes et campings.
Aujourd’hui, encore une trentaine de familles vivent dans le désert, entre Tata et M’hamid. Mais Hassan se souvient : ” A l’époque, tous les gens de M’hamid étaient des Nomades. Moi-même je vivais vers la Palmeraie “. En quelques décennies à peine, ces familles ont commencé à construire des maisons, s’installer et travailler à M’hamid. Un mode de vie balayé par la chaude tempête du modernisme.

« Tout ce qui compte pour moi, c’est que les gens repartent émerveillés »
Aujourd’hui, Hassan carbure. Il possède deux agences à M’hamid et Ouarzazate et emploie huit personnes. Il fait nuit noire dans le désert, nous sommes assis sur une dune, les yeux en l’air, il me confie : « Tout ce qui compte pour moi, c’est que les gens repartent émerveillés ».

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