Crédit photo : @AgatheBarisan @48.plus .
Elle relève les manches de son col roulé noir. Sur le bras, sous le coton, apparaît un large palmier aux feuilles recourbées. Le souvenir indélébile d’un séjour en Californie. « J’ai beaucoup voyagé aux Etats-Unis et il y a cinq ans, j’ai fait mon premier voyage à Los Angeles, livre la chanteuse Praa. Je suis rentrée de ce voyage et j’ai tout de suite enregistré mon premier EP que j’ai écrit et composé là-bas. Ça a été un voyage fondateur. »

On retrouve justement l’Amérique dans ses compositions, inspirées notamment de Frank Ocean, mais aussi dans ses textes, toujours en anglais. « J’ai toujours été influencée par les musiques américaines et britanniques donc c’était naturel de chanter en anglais, explique la jeune femme de 25 ans. J’ai essayé d’écrire en français, mais ce n’était pas ma voie ».
Du rap à la pop
Tout en remuant une large cuillère dans son café, la jeune femme se remémore sa première composition. « C’était un rap : Dernière Messe, s’amuse-t-elle. Je voulais essayer d’impressionner un gars de ma classe que j’aimais bien. Je l’ai finalement gardé pour moi car j’avais trop peur de lui montrer, mais c’est devenue ma première chanson ».

De ce premier essai musical à aujourd’hui, elle n’a gardé que peu de choses. Son style actuel ? « Un truc hybride à cheval entre plusieurs esthétiques : le songwriting du folk avec des sonorités plus chaleureuses de la soul et de l’électronique ». La voix, elle, est suave et lascive.
« Ca a été très dur de me lancer »
A l’instar du palmier sur son bras, cette jeune chanteuse de 25 ans a la musique dans la peau. Et dans le sang. « Mon père était guitariste et c’est lui qui m’a appris mes premiers morceaux de The Doors ou d’Eric Clapton quand j’avais six ans ».
Originaire de Valence, Praa a grandi à Lorient, en Bretagne, rue de Prague, d’où elle tire son nom de scène. Bonne élève, elle prend place sur les bancs de l’université, mais après deux ans en fac d’économie à Rennes et un an en médiation culturelle à Paris elle arrête tout pour se consacrer à sa passion. « Ça a été très dur de me lancer. Il m’a fallu quatre ans et demi pour me dire ‘ok j’arrête d’essayer à tout prix d’avoir tous les diplômes pour au final ne pas trouver de travail’ ». Et cela semble lui avoir plutôt bien réussi.

La musique comme exutoire
Son premier album est prévu à l’automne prochain et les quelques chansons qu’elle a distillées sur les réseaux sociaux ont déjà rencontré un beau succès. La chanteuse a même pu présenter quelques unes de ses compositions le 20 décembre dernier au Silencio dans le IIe arrondissement de Paris. « C’était tellement excitant, s’exclame-t-elle en remontant frugalement son jean bleu clair sur ses hanches. Après des mois de studio pour préparer le live, c’était génial de pouvoir jouer devant des gens et pas un mur ». Si la jeune femme se montre plutôt réservée et timide face à nous, cette facette de sa personnalité s’envole lors de ses concerts.
Sur le parquet usé du Silencio, c’est une Praa très à l’aise qui se révèle : les gestes sont désarticulés, les danses sensuelles et la voix puissante. « Une fois sur scène j’oublie tous mes complexes, toutes les barrières que j’ai pu avoir dans le passé ». Et d’ajouter : « J’ai du mal à dire ce que je ressens dans la vie et la musique m’aide beaucoup à remettre de l’ordre dans mes idées ».
L’importance des réseaux sociaux
Un concert qui lui a aussi permis de retrouver des fans de longue date installés au premier rang. « Quand j’avais 13 ou 14 ans, j’ai connu pas mal de succès en postant des ‘covers’ – reprises de chansons déjà connues – sur Dailymotion, nous confie Praa, précisant dans un éclat de rire qu’il est impossible de retrouver ces vidéos aujourd’hui. Je recevais des centaines de mails et ces gens ont continué à me suivre. Une grosse fanbase s’est formée à ce moment-là ».

Dans ce sillage, Praa se remémore une scène où un homme avec qui elle travaillait avait remarqué la jupe qu’elle allait porter pour un concert, lui glissant : ‘Ah dis-donc, tu t’es fait jolie´. « C’est une réflexion qu’on n’aurait jamais fait à un homme », s’agace la jeune femme. Plus récemment, lors d’une interview, une journaliste lui a demandé pourquoi elle ne postulait pas plutôt à Miss France. « Même s’il reste beaucoup à faire, les choses sont en train de changer », tempère toutefois la jeune artiste en passant ses cheveux derrière ses oreilles ornées de grands anneaux dorés.
Des envies d’Amérique
Aujourd’hui, la chanteuse partage son temps entre Paris et Rennes où elle a installé son studio d’enregistrement. Elle a pourtant des envies d’ailleurs. Des envies d’outre-Atlantique.
« J’aimerais bien m’installer quelques temps aux Etats-Unis ou à Londres et développer mon projet là-bas », confie la jeune artiste, sourire en coin et doigts entrelacés. Mais attention, pas question de lâcher sa Bretagne natale pour autant. « Je veux garder un pied-à-terre ici, assure Praa. J’ai trop besoin de la mer et de mes parents. C’est important de ne pas rester tout le temps figé dans le même cadre et d’avoir sa maman qui vous rappelle de faire votre lit de temps en temps. » Une chose est sûre : que ce soit à Los Angeles ou à Rennes, on n’a pas fini d’entendre parler de Praa.

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De qui ferais-tu le portrait ?
Je voudrais faire le portrait de Frank Ocean. C’est un artiste discret, qui n’est pas sur les réseaux sociaux. Je voudrais boire un café avec lui, le voir pendant une heure et discuter avec lui.