Illustration : Younn Locard
« Ayant grandi en Bretagne, je cherche toujours à me rapprocher de la mer », explique Jean-marie qui a toujours aimé voyager. Plus qu’une passion, c’est une raison de vivre. Nous le retrouvons au cœur de son auberge de jeunesse, au milieu d’un petit village de pêcheur du nord de la Colombie, Rincon del Mar. Encore en tenu de bain, il remonte tout juste d’une plongée où il voulait découvrir de nouveaux « spot ». D’ailleurs, il y retourne dans moins d’une heure : « Je ne sais pas si je vais avoir le temps de t’accorder une interview…. Et puis, est-ce que je suis si intéressant que ça ? J’en suis pas si sûr, » se demande-t-il soudain, dubitatif. Nous, nous pensons le contraire. Jean-Marie est une rencontre rare, une force de la nature. A 32 ans, alors qu’il organise des salons grands voyageurs partout en France, il décide de tout arrêter pour partir à la découverte du monde. Le jeune breton part à la conquête du lieu idéal. Il veut découvrir l’endroit de ses rêves, où il pourra s’installer. Sur les routes depuis un an, il débarque en Colombie. Il y rencontre sa femme, avec qui il va parcourir plusieurs kilomètres pour trouver leur perle rare. C’est alors au large de la costa norte, au hasard d’un détour en taxi qu’ils tombent dessus : Rincon del mar, ce petit coin de paradis.

« Je ne considère pas que cet endroit m’appartienne, ici c’est le lieu des voyageurs. »
A cet endroit, pendant huit ans, Jean-Marie, que tout le monde ici appelle « Jim », a préparé lentement mais sûrement la construction et l’aménagement de son auberge de jeunesse. Jean-Marie revient de loin : « Quand j’ai voulu faire une auberge de jeunesse ici, il n’y avait pas de touristes, pas de routes goudronnées ni d’eau potable, l’électricité ne marchait plus dès qu’il y avait trois gouttes de pluies… Oui, ça faisait peur, mais bon, la vie est un risque. » En mars 2016, il ouvre. Depuis, le bouche à oreille fonctionne bien, il voit arriver de plus en plus de backpackers, des voyageurs curieux de dépasser les sentiers établis par les cartes touristiques. Ici, le bâtiment donne directement sur la mer, dans toute sa largeur. « J’ai voulu faire la chose la plus ouverte possible », développe Jean-Marie. Accueillis par de grands sourires et des « Bienvenidos a Rincon« , lorsque l’on arrive dans l’auberge, on a la sensation d’être à la maison. Jean-Marie tente de combler les voyageurs en pensant à ses propres attentes quand il voyage : « J’ai construit cet hostel, comme moi j’aurai aimé le trouver, avec une philosophie de relaxation. Je ne considère pas que cet endroit m’appartienne, ici c’est le lieu des voyageurs. »

A Rincon del francès, toutes les chambres ont été peintes par les étudiants des beaux arts de Carthagène. Au détour des couloirs, sur les murs, on peut lire des citations, des phrases écrites à la volée. « J’ai voulu que les murs soient des espaces de créations, pour que les voyageurs puissent laisser leurs empreintes. J’ai des peintures, des pinceaux, tout est à disposition. » C’est ainsi qu’après un mois de retraite dans l’auberge, Juan, un suisse, est parti en laissant des citations sur toutes les portes.

« Je suis content d’avoir un hostal, c’est une manière de voyager tout en restant sur place »
Jean-Marie a du mal à l’expliquer, mais « les gens qui arrivent ici, ne veulent plus repartir. Je crois que c’est le village et l’harmonie qui s’y dégage. Les gens s’attachent au lieu, et créent des liens entre eux.» A Rincon del francès, certains voyageurs qui n’arrivent que pour quelques jours, restent finalement plusieurs semaines. L’ambiance est à la création, on entend les rires qui fusent aux quatre coins de l’auberge et les vagues bercent le village qui se laisse vivre au rythme lent de la pêche. « Je suis content d’avoir un hostal, c’est une manière de voyager tout en restant sur place. Il y a deux semaines, un plongeur arrivait d’Afghanistan, c’était une super rencontre ! » Jim ne rentre en France que tous les deux ans, pour passer Noël en Bretagne, avec sa famille. « Je ne suis pas nostalgique. Je ne l’ai jamais été, je vis là où est ma famille, et ma famille aujourd’hui, c’est ma femme et ma fille. Peut-être qu’un jour je retournerais vivre en France, on ne sait jamais où la vie nous mène. Mais pour l’instant, je suis heureux en Colombie. » Aujourd’hui, Jim s’efforce de développer au mieux son auberge. Il a également décidé de faire face à un éternel combat : celui de l’écologie. « Ici, les habitants du village jettent leurs papiers par terre. Au bout de 15 ans, la sensibilisation n’a toujours pas fonctionné, ce n’est pas un combat évident. » Jean-Marie aimerait mettre en place un projet ambitieux, celui de protéger, sur un périmètres de 400 mètres, une île et ses alentours. « J’aimerais en faire un refuge pour poissons. Partout où ça été fait dans le monde, ça a marché. » Alors, Jim se bat pour imposer son idée, mais difficile de changer les mentalités. Et puis, « c’est ça qui est magnifique à Rincon del Mar, de quel droit pourrait-on imposer nos envies de changements quand les gens se laissent vivre, sans courir après le temps comme en Europe. Ici, les Colombiens prennent le temps de tout, même de rêver.»
Illustration : Younn Locard
