Un café avec Daniela : « Les gens ont du talent, je veux le mettre en lumière »
Portrait suivant Portrait précédent
Portrait Daniela
A 32 ans, Daniela Faurel est passionnée de femmes et de photographie. En créant l’association Pavlova, la Nantaise réinvente la recette du club photo.

Perchée sur la mezzanine du café Le Narcisse à Nantes, elle colle des étiquettes aux murs. Dans les cadres, les photos en noir et blanc se répondent en diptyque. Daniela expose pour la première fois, grâce à Pavlova, sa propre association de photographes amateurs. Créée au mois d’août dernier, le crédo est simple : que les passionnés puissent goûter à l’excitation d’une première exposition. « Les gens ont du talent, je veux le mettre en lumière », scande-t-elle comme un slogan.
Daniela est fraîche et naturelle. Pleine de vie et d’humour, derrière son large sourire dessiné par un joli rouge, s’invitent de joyeux éclats de rire. Cheveux lissés au carré, bien dans son jean slim et son gros pull blanc col V, cette maman de 32 ans est une ancienne maquilleuse.

Née à Barbasena, sur la côte sud est du Brésil, Daniela adopte la France avant son deuxième anniversaire et vice versa. « J’ai eu de la chance d’avoir des parents comme les miens, j’ai grandi complètement intégrée dans ma famille, sans jamais trop me poser de questions », raconte-t-elle, au point qu’elle ne connaît pas encore le Brésil. Sa maman, Annie, et son papa, Christian, fonctionnaire à La Poste, sont d’anciens soixante-huitards. Quand ils adoptent Daniela, elle a déjà une grande sœur et un grand frère, et leur petite dernière n’est pas timide pour un sou. A l’école, Daniela a toujours été « partisante du 10-14, j’aimais bien l’école, mais pour les copains », raconte-t-elle avec les mains.

« Là-bas, c’était un peu l’esthéticienne qui fait du maquillage, la pétasse ! Nous, on était plus rock’n’roll ! »

Bac STL suivi d’un CAP esthétique. Elle se souvient de son premier cours de maquillage : « C’est ça que je veux. Vous avez appris ça où ? », demande-t-elle décidée. Réponse : à la Make Up For Ever Academy. Ni une, ni deux, Daniela monte sur Paris pour neuf mois de formation. « J’ai pris la totale ! Avec toutes les options imaginables, effets spéciaux, trompe l’oeil, body art… » Elle y rencontre Agathe, une de ses meilleures amies. « Là-bas, c’était un peu l’esthéticienne qui fait du maquillage, la pétasse ! Nous, on était plus rock’n’roll ! », dit-elle, un brin nostalgique.

Quinze jours après la remise des diplômes, sa route croise celle de Kim Chincholle. Les publicités Adidas, H&M, Nike, Azzaro, une pointure dans le monde de la mode et de la création. « Je suis devenue son assistante pendant six ans, elle m’a beaucoup appris, j’ai pu faire de jolis travaux de maquillage. » Paris, c’est difficile. Mais la jolie histoire est encore une fois dans les rencontres. Dans le monde fermé de la mode, de la presse, des défilés… Daniela traine avec le gratin parisien et beaucoup de photographes. « J’avais un Polaroïd, je faisais des photos en backstage, qui se retrouvaient régulièrement sur les sites des photographes », raconte-t-elle plutôt fière. En France, « quand t’es black, tu maquilles des blacks », dénonce celle qui aime déjà toucher à tout et mélanger les genres. « Je commençais à en vivre, mais je voulais être formatrice, créer mon école de maquillage », dit Daniela, chez qui l’altruisme et le partage des connaissances semblent innés. Elle se lance, « à l’arrache ». La première année se passe bien, mais c’est après que les choses se compliquent, « je tombe enceinte, je me sépare… » Alors, elle décide de rentrer à Nantes où son frère lui a trouvé un appartement. De toute façon, son fils Youri a deux ans et demi et Daniela n’est pas inspirée par les écoles parisiennes, « je voulais assainir notre vie, me refaire une santé financière. » C’est ici que s’achève sa carrière dans les poudres et les paillettes. « J’étais allée au bout des choses. », affirme-t-elle.

Le jour de ses 30 ans, la phrase un peu bateau, « rien n’arrive par hasard », prend tout son sens : Ses amis lui offrent un Reflex !

Comme elle a toujours fait en cas de coups durs, Daniela s’en retourne à la restauration. « J’ai bossé à l’Altercafé, chez Papy Mougeot, aux Fils à Maman…. Encore de chouettes rencontres. » Passée de serveuse à l’Altercafé, à presque directrice chez Les Fils à Maman, Daniela doit pourtant tout arrêter à cause d’une opération des pieds. Mais le jour de ses 30 ans, la phrase un peu bateau, « rien n’arrive par hasard », prend tout son sens : Ses amis lui offrent un Reflex ! C’est le coup de foudre, le flash. Elle a désormais le ‘’petit bouton’’ pour faire ce qu’elle aime. Nait alors une histoire d’amour entre Daniela et son objectif, qu’elle balade partout.

« Lorie Laroche, c’est ma muse »

Daniela, c’est un condensé de l’humour décalé de Martin Parr, de l’exotisme d’Alex Webb et Stephen Shore, de la précision de Bastian Woudt, du caractère d’Anton Corbijn et, plus que tout, des femmes en noir et blanc de Peter Lindbergh. Daniela s’intéresse aux femmes. C’est « Elles » qu’elle veut photographier. Pourquoi les filles ? « Ca me parle puissance 1000 ! Je suis très sensible à la femme. Si je veux présenter de jolies choses, c’est des filles », confit Daniela, qui met toujours une petite touche de clair sur le haut de la lèvre et le coin des yeux de ses modèles en hommage à ses années de maquilleuse. « J’aime la mode, j’aime l’esthétisme, j’aime prendre les femmes en photos », c’est tout. Daniela choisi ses modèles à l’instinct. Sur un banc dans la rue, en soirée à La Ribouldingue, bar partenaire de l’association, les amies d’ami(e)s, elle s’arrête sur un visage atypique, des yeux bleus, des longs cheveux blonds, des tâches de rousseurs, pour Daniela la beauté ne répond à aucun code, tant qu’elle émeut. « C’est presque obsessionnel, j’imagine tout de suite la personne dans une décor, derrière mon objectif ». C’est ce qu’il s’est passé avec la petite sœur de Jeremi Laroche, ami et ancien collègue. Sa petite sœur a 16 ans quand Daniela lui demande : ça te dirait de faire des photos ? « On a fait trois jours de shooting. C’est la photo qui a été vendu à la dernière expo : 1ère séance photo, 1ère expo, 1ère vente. Lorie Laroche, c’est ma muse ».

Alors, celle qui rêverait de photographier Charlotte Gainsbourg enfonce les portes. L’été dernier, Daniela se rend à La Quinzaine de la Photographie à Nantes. Touchée par son stage avec Emmanuelle Brisson, prix QPN 2017 pour « les profondeurs du cœur », Daniela est poussée à y croire grâce aux critiques constructives et exquises. Elle en ressort « comme Tom Sawyer, en sifflant, avec un petit truc dans le cœur. Je me suis dis, c’est ça que je veux pour les autres photographes. » Peu de temps passe avant qu’une idée émerge… « J’avais une envie générale : être photographe amateur, partager mon travail, m’intégrer dans cette nouvelle communauté, me prouver que j’étais capable. Quoi de mieux qu’une association pour réunir tout ça ? » Pavlova est né.

Pavlova, c’est d’abord une envie de partage

Instagram, Flickr, le grand retour du Polaroid, l’Iphone… Aujourd’hui, nous sommes tous un peu photographe. Daniela croit qu’il faut donner sa chance à chacun, en conservant un réel travail de réflexion, de sélection et d’écriture. Organisée et motivée, elle crée son association en deux mois : « Pour les photographes amateurs et les passionnés de photos ». Pavlova, c’est d’abord une envie de partage. Daniela revisite l’association de photographes, elle veut aller plus loin que les sorties photo à thèmes et ajouter à cet art la touche de modernité qu’il mérite. Pour 90 euros d’adhésion annuelle, le photographe amateur, membre de Pavlova pourra vernir son travail, s’entraîner sur un terrain culturel nantais, ou encore échanger avec d’autres passionnés autour d’un apéro et de jolies meringues. Daniela s’engage à une chose : que chaque vernissage soit l’occasion d’une dégustation. Dans le pavlova, « il y a du mou, du croustillant, de l’acide », décrit Vincent Langlais, l’eau à la bouche. Il exposera ses Polaroids à côté des portraits noirs et blancs de Daniela, à partir du mercredi 7 février prochain, au Kiosko. Attention : « dessert à sensations » !

En savoir plus

La question Fler :
De qui ferais-tu le portrait ?

 “Mon frère, graphiste.”

Leave a Reply

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *