« Etre rigolo dans la vie de tous les jours avec les copains, c’est une chose, faire rire une salle, s’en est une autre, il faut créer le contexte. » Nicolas Fabié jouera son premier spectacle sur la scène nantaise de La Compagnie du Café Théâtre du 8 au 31 mars 2018. Repéré par Mathilde Moreau, la directrice de la compagnie, lors du concours 10 minutes pour convaincre, même s’il n’a pas remporté de prix, elle a cru en lui : « j’ai beaucoup aimé son spectacle, je lui offre un show case », a-t-elle lancé une fois les récompenses annoncées. C’est donc le 28 novembre dernier que Nicolas Fabié jouait, peut-être, son début de carrière d’humoriste. Il a tout donné. Une salle comble, un public « comme jamais il n’en a eu », un tonnerre d’applaudissements, mais surtout, une promesse d’embauche de Mathilde Moreau dès sa sortie de scène. Son spectacle « Bon à rien, mais prêt à tout », à l’affiche dans quelques mois.

Nous avons rendez-vous avec Nicolas, dans le centre ville de Nantes, au HoPoPop Café. Assis en terrasse, on le voit arriver, jean brut et tee-shirt gris. Dans ses petites boots camel, il file claquer la bise au serveur et commander un verre de blanc. A 24 ans, Nicolas a une tête de nounours. Souriant derrière une barbe hirsute qui tire sur le roux, l’enfant de Quimperlé nous raconte comment il a débarqué ici, à Nantes. Etudiant à Rennes 2, en Licence Information et Communication, il découvre la vie d’adulte, être autonome, gérer un appart, faire ses courses… Mais la fac, il « se rend vite compte qu’on n’est pas obligé d’y aller », avoue-t-il sourire en coin entre deux bouffées de cigarette. A cette époque, il participe très vite à la création d’une émission pour Radio Campus Rennes, « passe-moi le mic », où il tient une chronique humoristique sur l’actualité. Un premier pas vers ce qu’il aime, sans en être tellement conscient.

Puis, il y a eu ce jour. Ce jour où Les Jumeaux Steeven et Christopher, repérés chez Ruquier sont invités à l’émission “passe moi le mic”. Coup de théâtre, ils proposent à Nicolas de faire leur première partie de spectacle au théâtre Bacchus de Rennes. Nicolas n’est alors jamais monté sur scène. Pourtant, « la représentation est dans une semaine », « Ah, ok ». Pas le temps de se préparer, Nicolas fonce, il verra bien. Résultat, cette première est un énorme bide. Aujourd’hui, il en rigole : « Je stressais complètement, une fois sur scène, au bout de deux minutes il ne se passait rien, à 2 minutes 30 j’oubliais mon texte, je sortais mes feuilles A4 de ma poche. L’horreur », se souvient Nicolas, qui à ce moment là n’a plus aucune envie de recommencer. Puis l’année passe, voilà que les jumeaux reviennent et lui proposent une seconde chance. Il se dit : « Je suis rodé, je vais bosser à fond ». Cette fois, il prend du plaisir et se dit qu’il faut persévérer. Mais à Rennes, la scène humoristique n’est pas bien représentée, ce qu’il trouve de plus près c’est Nantes. Nicolas fera des allers et retours au West Side Comedy Club, une scène de stand up qui fait rire les nantais chaque mercredi soir au Hangar à Banane. A force, il y prend goût. Alors, sa licence obtenue, il s’installe à Nantes, pour la scène, et s’occupe aujourd’hui de la gestion et l’animation du West Side avec William Pilet.
Pour lui, la scène c’est comme le sport. Il suffit que tu ne joues pas un mois, tu perds tes réflexes et tu stresses deux fois plus.
Fan de Franck Dubosc, Bill Burr, Bo Burnham et Baptiste Le Caplain… Quand il regarde le spectacle de Bo Burnham, c’est le déclic. Au delà de lui donner l’envie des planches, il sait désormais « comment » il veut être sur scène. « Quand j’ai vu son spectacle sur Netflix, ‘’Happy’’, je me suis dis : c’est ça que je veux, je veux faire des bandes sonores comme lui ! », raconte-t-il, deux petites lueurs derrière ses yeux noisette.
Sa première scène, il s’en souvient parfaitement, c’était le 21 septembre 2014. Pour lui, la scène c’est comme le sport. Il suffit que tu ne joues pas un mois, tu perds tes réflexes et tu stresses deux fois plus. Nicolas préfère travailler tout seul, mais « le premier qui m’aide, c’est le public ». Perfectionniste, une vanne ne suscite pas de réactions ? Il la raye.

« Il m’est arrivé d’avoir un petit texto en sortant de scène : ‘’C’est moi ta muse moche ?’’ »
Aujourd’hui, Nicolas sait où il va. « Je sens que j’ai plus d’assurance ». Depuis deux ans, il travaille son personnage. « Un mec qui s’est fait larguer, qui est bloqué dans une bulle où tout va bien, pendant que la réalité le rattrape. Un mec bon à rien mais prêt à tout, pour récupérer Marion. Bon à rien, mais prêt à tout, pour retrouver la réalité. » Mais son spectacle, c’est bien plus que le côté “looser assumé”. Un humour ciselé, un match de ping-pong entre lui et son autre lui sur fond de réalisations sonores bien léchées. Son meilleur ami Rémi nous confie que Nicolas a beaucoup travaillé sur la structure du spectacle, qui était un peu éclatée à cause de la scène ouverte. Pour lui, l’originalité paiera : « Il a vraiment ses cartes à jouer, car il propose quelquechose de différent, de novateur ».
Nicolas parle d’humour comme il pourrait parler d’amour. Avec humilité et modestie. D’ailleurs, comment réagit ta copine à ton spectacle ? « Il m’est arrivé d’avoir un petit texto en sortant de scène : ‘’C’est moi ta muse moche ?’’ », s’amuse-t-il.
Eternel insatisfait, c’est un bosseur. Agent de courrier 25 heures par semaine ; tous les mercredis sur la scène du West Side Comedy Club ; trois soirs par semaine en représentation au théâtre du Sphinx le mois dernier… Celui qui voyait son avenir encore flou il y a quelques mois, avance. Mais il voit toujours la scène parisienne comme un cran au dessus, c’est son côté pessimiste. « Je n’irai pas sans les armes. Quand je me sentirai prêt, j’irai au Panam Art Café ! » S’exclame-t-il comme s’il parlait d’un rêve de gosse.

« L’humour, c’est un cauchemar en fait. C’est la seule chose qui m’a fait tomber en dépression »
William Shakespeare disait : « L’humour. Une plaisanterie avec un air triste. » Derrière l’image d’un public conquis, du sourire de l’humoriste sous les applaudissements, les coulisses de l’humour ne sont pas toujours joie et grosse marrade. Nicolas rallume une cigarette : « On me dit souvent, c’est cool ton métier, tu fais rire les gens ! » Mais, il nuance : « L’humour, c’est un cauchemar en fait. C’est très dur. C’est la seule chose qui m’a fait tomber en dépression. » Nicolas a mis deux ans à prendre du plaisir sur scène : « il faut vraiment s’accrocher, trouver son style, savoir appréhender la scène. » Kevin Robin, ami et collègue pour qui il fait la première partie, dit souvent : « La scène c’est 5% de plaisir et 95% de remise en question », nous raconte Nicolas, « moi je dirai plus 20 % de plaisir 80 % de remise en question, mais dans l’idée, il a raison ». « Ambitieux teinté de pessimisme », comme le décrit son meilleur ami, cette vision l’aide à garder les pieds sur terre, dans un milieu où l’on décolle parfois trop vite. Nicolas reste blagueur au quotidien et tout ce qui compte, c’est faire rire !

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