La wax lui colle aux bask’
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Photo de Vulfran
Dans le 18e arrondissement de Paris, rue Francoeur, la wax colore le bureau de Panafrica. La marque de baskets éthique-ethnique a fait ses premiers pas derrière le coup de crayon de Vulfran. Portrait.

Il était une fois deux potes. Le premier, Hugues, commence par une prépa littéraire, puis termine par l’ESSEC, un parcours d’école de commerce ponctué par les stages à l’autre bout du monde. Il est brun, petites lunettes sur le nez et plutôt discret. Le second, c’est Vulfran, il est grand, les yeux bleus, les cheveux blonds coiffés décoiffés, et prend des cours du soir aux beaux arts. Géographe de formation, il fait de l’urbanisme, puis est finalement embauché dans une boite de promotion immobilière sur Paris.

En 2015, c’est le déclic, Hugues qui travaille au Sénégal, rentre avec de la wax. Vulfran se souvient : « très rapidement, j’ai dessiné un modèle de chaussures un peu simple ». Vulfran, c’est le genre bavard créatif aux idées qui fusent. « On n’a pas tout de suite pensé chaussures, mais ça nous plaisait d’aller vers quelquechose de plus complexe que de faire des tee-shirts avec une poche en wax. On voulait un beau style, mais surtout monter un projet intelligent, responsable et vertueux. » C’est parti. Avril 2015, les deux meilleurs potes quittent leurs jobs, novembre 2015, le projet est lancé. En sept mois, Panafrica nait : « Des chaussures cool, qui plaisent à notre génération, en faisant les choses bien ».

« 70 000 personnes qui te suivent, ça te porte, ça te fait pousser des ailes ! »

Au départ, Hugues et Vulfran, la trentaine, n’ont pas beaucoup d’argent en poche. En décembre 2015, ils lancent le projet sur Ulule, la plateforme de crowd founding. L’objectif : un mois pour vendre 200 paires. Très vite, ils sont dans le top 15 des projets. « Au final, plus de 2 000 paires sont parties ! », se réjouit encore Vulfran, qui dès le début a senti l’importance de créer un lien fort entre la marque et ses consommateurs : « On a essayé de maintenir la flamme dès le début. On avait besoin de fédérer des gens autour du produit et de son histoire. Le succès sur Ulule a été un vrai tremplin et un bon outil de com’ ». Pas à pas, il a fallu trouver un fabricant, un fournisseur, « on trouvait ça bien d’avoir un encrage géographique », en effet, l’Afrique de l’ouest représente 70% de leur approvisionnement, c’est un vrai terrain de jeu. Aujourd’hui, elles s’appellent Bamako ou Kigaly, Djibouti ou Maputo. Elles cartonnent sur Instagram. Elles sont travaillées, originales et colorées, « la marque de baskets grandit mais les gens qui nous suivent depuis le début restent familiers, ils ont un lien affectif avec Panafrica. 70 000 personnes qui te suivent, ça te porte, ça te fait pousser des ailes ! »
Pour le moment, Panafrica a produit deux collections, printemps et été. Ils ont commencé par vendre en ligne, aujourd’hui ils trouvent de plus en plus de vitrines : « Les boutiques sont prêtes à faire un effort, dit Vulfran, il y a une prise de conscience collective ». Autour d’un bon café, Vulfran croque un carré de chocolat commerce équitable. Ambitieux, mais transparent, il a la niaque. « On va chercher la complexité, mais c’est cool, on ne veut pas tromper nos consommateurs. »

Pour chaque paire vendue, 10 % des recettes sont directement reversés aux associations partenaires, soit déjà 14 000€ !

Sur la languette, on y lit « Walk For School », c’est quoi ? « On a tout de suite créé ce programme, dit Vulfran, il permet de recenser toutes les asso que l’on soutien et avec qui on travaille. » Pour chaque paire vendue, 10 % des recettes sont directement reversés aux associations partenaires, soit déjà 14 000€. Au Bénin, avec « Espoir d’Afrique, 2 500 kits scolaires ont été distribués aux enfants. Au Cameroun, Serge Betsen, ancien rugbyman français d’origine Camerounaise, tente de réinsérer des jeunes en difficulté à travers le sport, notamment via le rugby et ses valeurs. « On veut faire des choses avec les gens : c’est un projet gagnant-gagnant ». A la différence du don, Panafrica promeut une économie circulaire, un échange. « On sait ce qu’on fait, avec qui on le fait et comment », affirme Vulfran, qui ne prête pas attention aux détracteurs.

Le produit phare de Panafrica, c’est la wax.

Encore plié dans un carton, un très joli bleu de minuit dépasse. Ils viennent de recevoir un nouveau coton. « Ce sera pour la collection été 2018 ». On touche, la qualité est là. Les chutes arrivent du Burkina Faso, elles font parties des rares matières premières africaines encore transformées sur place. Ce coton, c’est Afrika Tiss, et Afrika tiss, c’est Mariette. Vulfran l’a rencontré en France, à une conférence sur la mode responsable. Mariette est engagée dans la réinsertion professionnelle. Dans l’atelier où il lui rend visite au Burkina Faso, vingt femmes en réinsertion sont formées au tissage du coton et à la teinture naturelle. « On ne le dit pas, mais c’est sûr qu’on le rachète cinq fois le prix ! Mais à côté, on les aide à avoir une autonomie, à faire que leur production soit rachetée. C’est une fierté pour ces femmes de penser que leur travail va être revendu aux Galeries Lafayette ! » Le coton n’est pas seul à être menacé. Le produit phare de Panafrica, c’est la wax. Aujourd’hui très touché par la concurrence chinoise, le tissus artisanal rencontre de nombreuses difficultés. En collaborant avec Uniwax, qui produit et commercialise le véritable pagne en Côte d’Ivoire, Panafrica soutient l’institution ivoirienne et contribue au maintien de la filière textile ouest africaine.

« Le coté humain, c’est ce qui a fait notre force au début, on ne veut pas le perdre. » Alors, du petit bureau parisien, l’équipe a toujours un œil sur Casablanca où sont produites les chaussures. « Au Maroc, les ateliers de fabrication sont à taille humaine et répondent au savoir faire que l’on cherchait. » Dans la pièce, Michael, toulousain et portugais au marketing, Hélène, bretonne franco-mauritanienne à la communication, et nos deux fondateurs parisien et marseillais, partout. « Ici, toute l’équipe donne son avis », nous dit Vulfran, pendant que Michael fait les cent pas dans les 14 mètres carrés, pana aux pieds. « On a fait quelques réglages sur le confort, il faut essayer ». Ca marmonne : « C’est vrai qu’elles sont chouettes aux pieds ».

– Mais en fait, le logo, c’est une crevette ?
« Oui, parce qu’on est assez maigres avec Hugues », se marre Vulfran. Plus sérieusement, « le motif crevette est récurrent sur le wax, et ce design lui donne un côté tampon de passeport, voyage, on se pose la question : qu’est ce que c’est ? » Comme pour “Vulfran”, ça vient d’où ? Ne cherchez plus, c’est originaire d’Abbeville.

L’esprit de la marque : le voyage et l’Afrique

A 32 ans, Vulfran est un bosseur. Qu’il lise l’actu, qu’il dessine ou qu’il réfléchisse, il pense à son produit : « le nerf de la guerre, c’est le travail », dit-il quand il doit donner un conseil. Et penser à son produit. « C’est un basic, mais il faut le bon produit, au bon prix, qui va toucher le bon public, si t’as pas ça, t’es mort. » De nature impatient, il bouillonne, ses “une idée à la minute” se confrontent à la lenteur des demandes dans le monde de la mode. Plus artiste que matheux, Vulfran n’aime pas les chiffres. Heureusement, « Hugues est très fort, on est complémentaires. » Né à Paris, d’un père militaire, Vulfran a beaucoup bougé. Mais l’Afrique, c’est différent. Il a ce lien avec le berceau de l’humanité, « je ne saurais pas expliquer, si c’est à travers les films, les lectures, la musique, mais j’ai toujours eu cette envie au fond de moi de barouder en Afrique de l’Ouest ! » Avec Hugues,  ils trouvent l’alliance parfaite entre leurs deux passions communes : le voyage et la création.

Et pourquoi Panafrica ? « Ca sonnait bien, ça se retient facilement et le mot reflète parfaitement l’esprit de la marque : le voyage et l’Afrique.»

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La question Fler :
De qui ferais-tu le portrait ?

Stromae, c’est un artiste inspirant.

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