Joshua est un insulaire. Cela se ressent dans ses gestes et ses pensées. Ce grand brun à la belle gueule de 28 ans s’assoit en face de nous dans la terrasse intérieure de son bar d’after-work. Il commande un café. “Allongé, s’il vous plaît”. Cela fait maintenant près de deux ans que Joshua travaille en tant que régisseur sur la péniche la Pop, amarrée sur les quais du canal de l’Ourcq à Paris. Il a quitté l’air iodé bellilois pour les soirées musicales parisiennes : “J’ai fais toute ma scolarité jusqu’au collège à Belle-Île en Mer, aujourd’hui je suis bien à Paris, je ne pense pas y rester toute ma vie, mais j’aime son effervescence”, avoue Joshua.

“Ce festival veut mettre en avant des artistes émergents. On ne veut pas de têtes d’affiche”
Diplômé en audiovisuel, Joshua est plutôt axé tournage et gestion de production. Il réalise un moyen métrage et des documentaires durant ses études : l’un sur une troupe de théâtre à Madagascar, l’autre sur les navettes qui rattachent Belle-Île au continent. Il aime raconter des histoires et reste très attaché à son île : “Je reviens à Belle-Île tous les ans. Principalement à cause du festival, mais aussi parce que ça me fait un bien fou !”, explique Joshua. Le festival justement, parlons-en. C’est quoi Belle-Ile on Air ? “Ce festival veut mettre en avant des artistes émergents. On ne veut pas de têtes d’affiche”. En hiver, l’équipe de l’association organisatrice du festival (Tommeo) fouine dans les concerts, guette les sorties d’EP et se balade aux Transmusicales de Rennes pour trouver les perles rares qui feront vibrer Belle-Île. “Comme je suis à Paris, j’en profite pour aller faire mes courses dans les petits festivals, les concerts et rapporter de nouveaux noms d’artistes. Ensuite, on écoute nos découvertes et on regarde si les artistes retenus ont de l’actu, si les projets sont viables”, explique Joshua. Car oui, l’équipe de Tommeo ne propose pas que des coups de cœur aux festivaliers, mais prend le temps de sélectionner des artistes qui feront l’actualité de demain. Et ça marche ! Parov Stelar, Hocus Pocus, Fakear, La Yiegros ou encore Thylacine, tous ces artistes se sont produits sur les petites scènes à ciel ouvert de Belle-Île on Air. “En fait, quand un groupe cartonne, on veut que les gens se disent : “On l’a vu à Belle-Île on Air l’année dernière lui, non ?” Plutôt Hip-hop, Electro, World Music, Jazz que Rock ou Reggae, Belle-Île on Air reste un festival pluri-styles qui veut également mettre en avant des artistes locaux : “Depuis trois ans, nous travaillons avec la SMAc (Salle de Musiques Actuelles) de Vannes, l’Echonova, qui nous propose des artistes. Cette année, on a eu Leska, que l’on avait aussi repéré aux Transmusicales”, précise Joshua.

A l’origine de cet événement musical, un groupe d’amis bellilois, désireux de faire vivre l’île après l’arrêt d’un festival annuel de reggae. La première édition, en 2008, a été réalisée avec peu de moyens. Pour attirer le public il fallait donc miser sur les contacts locaux. Justement, l’un d’eux était le guitariste du groupe nantais Hocus Poccus : David le Deunff, un bellilois. “Il a accepté de venir, et la première édition a été une réussite. Alors, ils ont continué l’année suivante”, raconte Joshua. En 2010, Joshua devient bénévole pour le festival “de toute façon à l’époque, il n’y avait que des bénévoles”, avoue t-il. A la fois saisonnier à la capitainerie de Palais et vidéaste pour le festival, Joshua prend son pied. Puis, lors de la cinquième édition les organisateurs commencent à fatiguer : “Bon, nous on arrête, qui veut reprendre le bébé ?”, Joshua lève la main. Il a alors fallu constituer une nouvelle équipe pour continuer de faire vivre le festival.

Durant le festival, notre bellilois est un peu le “chef de chantier”, il sait quand et comment tout arrive.
Joshua prend son nouveau rôle à coeur, mais explique qu’il s’agit d’un véritable travail d’équipe : “Franchement, président ce n’est qu’un nom, toute l’équipe travaille d’arrache pied, avant, pendant et après le festival. Les bénévoles sont géniaux et motivés, ils sont majoritairement bretons, mais certains viennent de Belgique ou d’Allemagne”, explique Joshua. Belle-Île on Air est l’un des derniers festivals d’été breton et son cadre ajoute à sa magie. D’ailleurs, presque tous les partenaires sont bellilois : “On sert les bières bretonnes Tri Martelod, on essaye de faire travailler les producteurs locaux aussi bien pour le matos que pour la restauration”, poursuit Joshua. Durant le festival, notre bellilois est un peu le “chef de chantier”, il sait quand et comment tout arrive : les barrières, les groupes électrogènes, les tables, les bancs, les lumières, etc. “C’est très prenant, c’est vrai que je ne profite pas vraiment des concerts, je ne m’arrête jamais”, affirme Joshua en avalant sa dernière gorgée de café.
“La Pop propose des concerts, des lectures, des spectacles à un public bien différent de celui de Belle-Île on Air”

Aujourd’hui régisseur à la péniche la Pop à Paris, comment un garçon de la mer décide-t-il de monter à la capitale ? “Au départ, je voulais travailler sur les tournages, dans le cinéma. Le mieux pour se faire des contacts, c’est de venir à Paris. Mes camarades de BTS sont tous venus directement après nos études”. Joshua, lui, ne les suit pas de suite, il alterne durant trois ans, voyages et saisons à Belle-Ile en Mer : Nouvelle-Zélande, Ile de la Reunion, Madagascar : “Je voyageais tout en préparant le festival. Même à l’autre bout du monde, je ne lâchais pas l’affaire”, annonce Joshua le sourire aux lèvres. Une vraie vie de saisonnier. Puis, il décide d’arrêter tout ça et de chercher un emploi plus stable, à Paris. Après une arrivée difficile (sous locations, enchaînement des petits boulots), on lui propose un poste de régisseur sur une péniche. “La Pop propose des concerts, des lectures, des spectacles à un public bien différent de celui de Belle-Ile on Air”, explique Joshua. Il le dit, pour l’instant il est bien, il continue d’oeuvrer pour Belle-Ile on Air l’été et ponctuellement dans l’année, tout en gérant les événements de la charmante péniche parisienne.
Joshua voit Paris comme une étape, il aimerait retourner à ses premiers amours : “Rentrer en Bretagne ? J’y pense. Mais je voudrais trouver la ville dans laquelle je puisse trouver un emploi sur les plateaux de tournages, et c’est difficile de trouver un emploi dans ce domaine à Belle-Île en Mer”, confit-il. Joshua est arrivé dans le monde du spectacle vivant par hasard, il s’y sent bien, mais n’oublie pas sa passion pour l’image. En attendant, avec l’équipe de Tommeo, ils se remettent petit à petit de leurs émotions, et réfléchissent déjà à comment faire danser Belle-Île l’été prochain.

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De qui ferais-tu le portrait ?
Stanley Kubrick, j’aimerais lui poser tout un tas de questions.