Alexandra, masseuse Nomad’s
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Photo d'Alexandra massant
Alexandra, c’est le visage de l’entreprise moderne et les mains que tu laisses volontiers palper tes cervicales tendues. A 28 ans, elle est à la tête de Nomad’s. Une équipe de 40 masseurs qui sillonnent Paris. Des bars éphémères aux entreprises, ils proposent des massages à prix libres.

Quand Alexandra débarque sur les bords de l’Ourq, à la Paname Brewing Company, les regards se tournent et les esprits se détournent. Belle au naturel, Alexandra impose. Kimono bleu roi, saroual et tee-shirt noir, elle nous avoue qu’elle a failli venir en djellaba. C’est Alex. Elle s’en fout, elle assume, que ce soit ses cheveux coupés courts, son vocabulaire jeune et cru ou l’harmonie de ses formes, tout lui va.

En créant Nomad’s, un concept de massages urbains à prix libre, elle démystifie le massage. Elle casse les codes ringards : fleur de lotus, massage de charme et finition. “Nous, c’est du lifestyle, les clients se reconnaissent dans nos masseurs : des jeunes qui te proposent du bien être, dans des endroits stylés, et viennent boire un shot avec toi après !”

Née dans le 92 en banlieue parisienne, Alexandra, martiniquaise-arménienne-métropolitaine, quitte la capitale Française pour sa voisine Allemande à l’âge de 7 ans. A Berlin, elle vit avec sa maman, étudie d’abord le droit, les beaux arts, puis les lettres modernes françaises, l’histoire de l’art et l’économie. L’expat décide de faire son Erasmus à Toulouse. Et là, elle “surkiffe la France”, se souvient-elle en replongeant dans ses souvenirs de soirées étudiantes. Elle était française sans ne jamais l’avoir vraiment vécu. De retour à Berlin, elle rencontre un Parisien. Nacim est en vacances. Deux semaines après ses partiels, elle quitte tout pour le rejoindre. Par amour, et parce qu’elle n’en peut plus de Berlin. “Parce que Berlin, c’était cool, mais personne ne le savait. Le fait que Berlin soit devenu tendance, c’est la première chose qui a fait que je ne supportais plus la ville. Avant, c’était vraiment une ville pauvre, les grands espaces underground – boisé – palette, ça a été conceptualisé. La génération Easy jet, ça tue une ville.” C’était il y a deux ans. Une fois à Paris, elle fait quelques missions d’hôtesse, de traductrice, puis travaille six mois au service clientèle de Dior. Mais l’idée de Nomad’s lui trotte déjà dans la tête.

“C’était improbable que je monte une boite !”

A 17 ans, à Berlin, Alexandra avait un job étudiant : elle massait dans les bars. Pendant huit ans, “ça a toujours été mon fil rouge, malgré les galères. Je ne vivais que de ça, je faisais ça tous les soirs.” D’abord formée en interne, elle suit une formation de massage en Thaïlande. Ce n’est qu’une fois en France, une phrase d’Alice aux pays des merveilles tatouée dans le dos, qu’elle réalise que ce concept de massages nomades et rémunérés à prix libre n’existe pas. Elle réfléchit : “ok, ça n’existe pas à Paris, mais c’est improbable que je monte une boîte !”

Après six mois dans un bureau chez Dior, ce n’est pas fait pour elle. Alors, elle se lance ! “Tout a été galère. Le site, le logo, la communication… J’ai tout appris sur le tas”. Sa meilleure amie, Sonia, arrive à la rescousse, “elle est venue deux fois deux semaines. Il fallait tout faire en même temps : chercher des masseurs, faire les entretiens, les former, continuer de masser…” Au bout de trois mois, Alexandra a une équipe de neuf masseurs. Pour la technique, heureusement que Nacim est là. “C’est un putain de cerveau ce mec, il est hallucinant, il croit à fond en moi et ça me donne des ailes !” Manager d’une équipe de développeurs dans une grosse boite, Nacim est un “gros gros geek” (“et ce n’est pas péjoratif!”), c’est lui qui a fait tout le site en interne pour la gestion de plannings.

Au début, les gens étaient persuadés que Paris n’était pas faite pour un projet comme celui-ci. Ils disaient : “les parisiens ne feront pas ça, ils sont radins. Et puis, ils sont en représentation d’eux-mêmes, ils ne vont pas se faire masser devant tout le monde !” Faux, archi faux. C’est l’effet inverse qui s’est produit : “Les gens étaient bien plus sympas qu’à Berlin!”

Malgré un premier hiver difficile, aujourd’hui, Alexandra est préparée. Equipe de 40 masseurs au taquet, une trentaine de bars en prévision… De plus en plus d’interventions en entreprise, des événements, des festivals, des anniversaires, des enterrements de vie de jeune fille, le champ des possibles s’agrandit.  “On commence à se faire connaître”. La soirée de lancement en juin dernier à la Dame de Canton a été un succès. Trente journalistes et blogueurs étaient présents. Après avoir fait l’inauguration du TGV l’Océane, vous serez à la We Love Green l’année prochaine ? “Oui, surement”, dit-elle le sourire en coin derrière sa cigarette.

“C’est des bisounours, on pourrait créer une troupe de théâtre !”

C’est difficile de se sentir légitime, toute seule. Restée “un an sous le radar, parce que je n’avais pas les couilles”, Alexandra, l’humaniste ne pense pas “croissance pour croissance”. Chaque mois, elle organise une réunion avec tous ses masseurs : “sur une table de 30 personnes, c’est moi la chef “, lance-t-elle, un gros LOL à la bouche. “C’est une famille, ça me donne de la force et de l’énergie.”

Pendant les formations, les masseurs apprennent, certes à masser, mais aussi le rapport à la clientèle, savoir parler aux gens, répondre aux comportements bizarres et aux questions compliquées. “On fait des jeux de rôles, je les traumatise, comme ça ils sont préparés au pire ! Se marre Alexandra. “Le mieux, lâche-t-elle l’air coquin, c’est la fin de la formation, car ils passent tous sur moi au massage !” De 18 à 40 ans, ses masseurs ont tous des profils différents. Quand elle parle d’eux, ses yeux pétillent : “C’est des bisounours, on pourrait créer une troupe de théâtre ! Les gens qui décident de travailler avec nous sont tous dans le bien être, d’une façon ou d’une autre. Ce sont des artistes, des gens libres dans leur tête. J’ai une écrivain, d’autres font du tarot, j’ai des graphistes, énormément d’étudiants en kiné, mais aussi en théâtre.” Au delà d’être rigoureux, discipliné et responsable, il faut avoir la tchatche et aimer les gens. Nomad’s, c’est la meilleure école pour vaincre sa timidité.

“J’ai un truc un peu trop d’humano-gaucho profond”

“Mais, Nomad’s, c’est Uber ?” “En plus sympa !” Alexandra et ses masseurs sont tous auto-entrepreneurs.” A partir du moment où tu n’essayes pas d’arnaquer les gens, tout le monde y trouve son compte.” Alexandra n’a jamais vu cette liberté comme une forme de précarité. “J’ai un truc un peu trop d’humano-gaucho profond. Tout est plafonné, je veux garder ce bon esprit : “on a construit un truc cool, avec de vrais liens, ils sont super loyaux, je ne contrôle rien. Tout se base sur la confiance, comme en Allemagne.” C’est comme ça qu’elle gère sa petite entreprise, sinon ça ne l’intéresse pas. “Je veux juste être heureuse, le reste je m’en fous !”

“Tu es allongé devant Netflix et tu te dis : je suis chef d’entreprise en fait, si je ne bouge pas, y a rien qui bouge”

Alors, c’est quoi une journée d’auto-entrepreneuse ? Pour Alex, la journée dépend de la veille… Ce matin, elle a chaussé ses running dès 7h30 pour faire le tour du canal de l’Ourcq ! Mais, il y a des jours… « tu es allongé devant Netflix et tu te dis : je suis chef d’entreprise en fait, si je ne bouge pas, y a rien qui bouge ». Souvent, elle travaille aux Petites Gouttes, un bar réhabilité dans la Halle Pajol du XVIIIème arrondissement de Paris : “on se pose avec nos ordis, on discute, on travaille, et le soir, ça part en apéro”. Mais ce qu’elle préfère, c’est partir le matin avec son ordi, son sac à dos et faire la tournée des bars. “Ca, j’adore, tu découvres pleins de nouveaux endroits ! Je me balade dans Paris, en écoutant Booba ou Aznavour. Je n’aime pas arriver comme un commercial qui a tout de suite quelque chose à vendre. Alors, je me pose dans le bar, bosse un peu, je prends un verre de rosé, parle avec le serveur…” Et naissent les partenariats Nomad’s. C’est cette liberté qui fait son bonheur.

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La question Fler :
De qui ferais-tu le portrait ?

“Mes arrières grands-parents !”

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