Du haut de ses 24 piges, Stéphanie pétille. Chez Dédé La Frite, elle est à peine assise qu’elle tripote déjà l’appareil photo posé sur la table. Emmitouflée dans sa marinière Saint James, elle a laissé dépasser le col de sa chemise de bûcheron rouge. Grand sourire et yeux rieurs, Stéphanie a des cheveux maxi-volume à la Selah Sue sans le chignon, c’est son côté « funky ».
Stéphanie a longtemps sous estimé la partie d’elle qui aime rencontrer des gens
Après une école de commerce à Paris, elle part en échange à Philadelphie avec un appareil Sony, qu’elle vient de gagner. La fille « bizarre » à Paris, devient alors la fille « stylée » aux Etats-Unis. «Les gens sont plus ouverts, plus superficiels aussi. Mais ils ont moins de problème à être abordé par une petite meuf qui met des bonbons dans ses cheveux. » Stéphanie a longtemps sous estimé la partie d’elle qui aime rencontrer des gens. Alors, entre Philadelphie et New York, c’est le déclic.
« Aux Etat-Unis, la rue est un théâtre. Ici, tu n’as pas l’impression de voler l’intimité des gens, mais c’est à double tranchant. Car le résultat est moins profond. Les Parisiens, eux, s’inquiètent de leur image, au delà de ce qu’ils renvoient, ils ont l’impression qu’on leur prend un petit bout d’âme, certains sont carrément superstitieux : ‘’Ne faites rien de mal avec mon image’’ ».
Ces Parisiens ont-ils un point commun ? « Il y a en chacun d’eux une espèce de dualité entre arrogance et authenticité. Des mondains, qui après deux pintes, savent rigoler » Elle rit. « Une double facette intéressante, que moi j’adore ».
De retour à Paris, elle remet son appareil au placard. « Mon mec me disait : c’est trop dommage, moi j’aimais bien quand tu prenais des photos». Au début Stéphanie répondait : « Euh… Je t’explique mec, tu ne crois pas que je vais aller aborder des gens dans la rue à Paris ? » Et pourquoi pas ?

Alors elle s’est lancée : « Excusez-moi, est ce que je peux vous prendre en photo ? » Au départ, c’était juste pour un blog. Puis, il y a eu cette rencontre marquante. Une des premières photos de son blog, c’est celle d’un SDF barbu dans une cabine téléphonique. Ce jour là, elle s’est dit : je vais faire cette photo, et si ça passe je ferai Gueules de Parisiens. Et si ça ne passe pas je ne le ferai pas. Aujourd’hui, Stéphanie a toujours dans son frigo la canette de bière qu’il lui a offert, et l’expo, encensée sur les réseaux sociaux, a cartonné.
Il y a un an, Stéphanie exposait ses portraits de Parigots dans le labo photo Framology, dans le 11ème, transformé en petite salle d’expo. Un soir seulement. « La veille, j’espérais juste que mes potes viendraient pour ne pas me retrouver seule! » Jour J, 17h30. Elle est encore en train d’aligner les cadres avec sa maman quand les gens arrivent. Le monde appelant le monde. Il y a cent mètres de queue dehors. « J’ai couru comme une ouf imprimer en 50 fois les légendes, et je les distribuais aux gens pour qu’ils devinent à quelle photo elles appartiennent et échangent avec leur voisin. Les gens ont bien aimé. Ils croyaient que c’était prévu ». Mille personnes. Mille personnes qui connaissent la photo tête d’affiche des quatre éboueurs. Sa préférée. « My god vous êtes venus, vous êtes trop mes héros ! » Ils étaient là, les « anges verts» de Stéphanie.

Stéphanie est en train de créer une « boite d’orientation pour les jeunes ». Photographe ? Même si, elle aimerait que cela prenne un peu plus de place dans sa vie, elle ne compte pas en faire son métier : « ça pervertirait le rapport que j’ai avec les gens que je prends en photo ». Le soir de l’expo, un homme qui travaille pour la ville lui a proposé de prolonger l’histoire de ces Gueules de Parisiens à l’Hôtel de Ville. « Je suis rentrée chez moi choquée », raconte la petite gueule de parisienne. En attendant, Stéphanie a exposé à nouveau au Pavillon de Canaux en février dernier.